Le marché hebdomadaire, qui se tient tous les samedis matins, est désormais entièrement piéton. Une campagne d’information a été déployée sur les supports de la ville et sur les stands des commerçants. Six figures habituelles ont incarné cette communication dont Lucien Masset, fleuriste à Satolas-et-Bonce, présent sur les marchés de la région depuis 67 ans dont 40 à Belley.
C’est sûr et c’est certain : vous qui aimez flâner sur le marché de Belley, vous connaissez forcément M. Masset, le fleuriste. Et pour cause, il enchante chaque samedi les rues de Belley depuis presque 40 années et les marchés de la région depuis 67 ans.
Retour sur une vie parsemée de marguerites et de carthames.
Né à Corbelin, Monsieur Masset, 81 ans, a toujours aimé les fleurs, depuis tout petit. Et ses parents cultivateurs l’ont encouragé dans cette voie. C’est donc naturellement qu’à 14 ans, il réalise un apprentissage par correspondance. Déjà avec son patron, il sillonne les marchés. Et c’est difficile. Il se lève tôt, fait de grosses journées et se couche tard. Car les fleurs, ça demande du travail. Le sol, l’entretien, les graines, la préparation du marché, la route … Autant de tâches qu’il aime et qu’il réalise avec plaisir. Il part ensuite faire l’armée et à son retour, fait les marchés à Saint-Claude pendant huit ans.
Qui sème des fleurs, récolte des bouquets.
En 1970, il prend une place d’ouvrier. Il travaille huit heures par jour à l’usine et lorsqu’il rentre, travaille autant d’heures pour ses fleurs. Et en 1987, il passe à temps-plein à son compte… tout en construisant sa maison lui-même sur ses week-end. Lucien Masset est perfectionniste, voire maniaque selon ses propres mots. Il gère toute sa production, chez lui, et aime que tout soit ordonné, impeccable. Et c’est grâce à cette rigueur qu’il produit, même encore aujourd’hui, ses propres graines, toutes ses fleurs, fraîches ou séchées pour lesquelles il construit des serres, dont certaines dédiées aux fleurs séchées qu’il travaille “comme le tabac, la tête en bas”, avec du chauffage pour aider le processus. Il échelonne ses semis pour produire en continu et prend même le temps de se consacrer à la vannerie pour fabriquer les contenants pour ses créations, car il ne trouve pas ce qu’il souhaite à l’époque. C’est un touche-à-tout, méticuleux, travailleur.
Un peu, beaucoup, passionnément.
Cette implication dans son travail fera de lui dans la région une référence en matière de fleurs, fraîches ou séchées. On lui commande des couronnes mortuaires jusqu’à Paris, on le connaît pour ses immortelles, et il fournit en gros de nombreuses entreprises, grâce à sa production locale et raisonnée, très avant-gardiste pour l’époque, écologiste, éco « logique » pourrait-on dire. Il ira même jusqu’à emmener ses créations séchées pour faire des marchés lorsqu’il partira en vacances, dans le Sud, car “le repos, c’est bien, mais dix jours pas plus, sinon, je m’ennuie.” Mais malgré tout, il garde un affect particulier pour les marchés, qu’il aime et qu’il fait avec énormément de plaisir, même lorsqu’il fait froid, ou même lorsqu’il y a de la route.
M. Masset pourrait prendre sa retraite, évidemment, mais il ne veut pas. Il continue, avec son fils Eric ayant pris la relève de l’entreprise, d’être présent sur les marchés et d’en savourer chaque instant. “Oui, c’est difficile, mais non, je n’ai pas envie d’arrêter. J’ai eu une opération du cœur il y a une vingtaine d’années. On m ‘a réparé et c’était reparti ! Le travail, l’activité, la passion conservent” dit-il. “Je bêche, je passe la triandine tous les jours, je ramasse les cailloux, je cueille mes fleurs, j’organise mes graines dans mon congélateur, je prépare mes bouquets, je suis à l’écoute des saisons et du temps, bref, je n’arrête pas et grâce à cela, je suis toujours aussi vaillant. Et bien sûr, je mange sainement, grâce à mes légumes, je me soigne avec mes plantes. J’ai une vie simple.”
Bouquet, mais pas final.
Et quand on lui demande pendant combien de temps il aimerait encore continuer, il répond sans hésiter, avec un grand sourire, que “seule la maladie l’arrêtera”. Il sort alors son album photos qu’il garde près de lui, en montrant les photos de jeunesse, dans ses jardins, en présentant son épouse, en parlant de ses légumes géants et des fleurs qui sèchent, avec pour simple remarque : “Pourquoi arrêterais-je ? C’est toute ma vie.” Alors, les samedis, profitons du doux sourire et de la voix paisible de Lucien Masset, qui emballe soigneusement tulipes et glaïeuls dans du papier journal, “comme avant”, et qui, le temps d’un instant, nous rappelle à quel point les fleurs apportent du bonheur, à quel point il est agréable d’échanger avec un passionné, avec un amoureux de son travail, qui cueille jour après jour les roses de la vie.